Le White Spirit est le composant principal du glacis. Ce qui n’est, bien évidement, pas neutre. Ni d’un point de vue sanitaire, ni d’un point de vue artistique, ni d’un point de vue symbolique. Voici un article un peu à rebrousse poil pour réfléchir à la question ensemble.
Qu’est-ce que le white spirit?
Ce sont les maîtres hollandais qui ont les premiers « dégraissé » leur couche picturale en ajoutant de l’essence au liant (qui met en suspension les pigments « insolubles »). Ils utilisaient à cette fin l’essence de térébenthine, dont l’odeur caractéristique de pin a baigné l’atmosphère bienheureuse de l’atelier de mon enfance. Malheureusement, cette essence se révèle très nocive par inhalation, provoquant notamment de très solides maux de crâne. Voilà pourquoi, faisant le deuil de son odeur, je suis passée ces dernières années au white spirit, désaromatisé de préférence. C’est mieux mais pas encore l’idéal. Le white est un solvant dérivé du pétrol. Soit un produit moyennement sympathique, classé depuis peu CMR (Carinogenic, Mutagenic, Reprotoxic). Ces produits respirés en grande quantité dans un environnement mal aéré peuvent avoir des effets néfastes. Certaines personnes peuvent, d’autre part, présenter des allergies cutanées à son contact, qui nécessitent le port de gants lors du travail. Vous comprendrez que je lui cherche activement un substitut qui nous épargne ces aspects désagréables. Cependant, les substituts au White spirit proposés actuellement sur le marché, ne concernent que le nettoyage pour lequel, la plupart du temps, le white est utilisé. Ils ne sont, en revanche, pas valides lorsque ce solvant a pour fonction de participer à un processus chimique de polymérisation. Ce qui est le cas, depuis le XVIème siècle, dans la peinture au glacis. A un moment, j’ai placé de grands espoirs dans les essences dérivées d’écorces d’agrumes. Malheureusement bien trop grasses. Je reste, bien entendu, à l’écoute de toute piste et continue à acheter régulièrement de nouveaux produits pour les tester. En attendant, l‘atelier respecte les règles de sécurité et de bon sens relatives au stockage, aération et traitement des déchets, que je transmets lors des stages à chacun de vous.
A quoi sert le white spirit dans la composition du glacis?
Imaginez que le pigment (poudre colorée à l’origine de toutes les couleurs qui sont fabriquées, quelque soit le liant, eau ou huile) est un petit bonhomme tout nu en plein hiver. Sans l’assistance d’une compagnie aimante, il a peu de chance de survivre. Le glacis, comme tout medium pictural, va donc lui proposer sa « solution de confort ». Tout d’abord du gras : l’huile de lin. Et puis de la fluidité avec le fameux white. Enfin, une sorte d’imperméable, avec le siccatif.
Autrement dit, le white, c’est la » voiture » qui va permettre au pigment de voyager de la palette au tableau et d’y trouver sa place définitive. Comme tout moyen de transport, il n’est plus nécessaire une fois parvenu à destination. Alors, il s’évapore…
Mais de son voyage, le pigment gardera la mémoire. Lui, né poudreux, souvent d’origine minérale, va connaitre la fluidité avant de redevenir inerte. Tout comme le passager d’une décapotable, il en est un peu décoiffé. Plus encore, de l’expérience de cette fluidité, il gardera le goût de trouver par lui même sa place. Il la choisira plus qu’il ne respectera celle que le pinceau lui a assigné. Le white transforme, pour son passager-pigment, le besogneux tacot qu’est le pinceau en véhicule de course intelligent. Ce n’est pas peu dire…
White ça veut dire blanc, non?
White Spirit : Esprit blanc… C’est intéressant cette appellation parce que le white n’est pas du tout blanc. Il est incolore. Mais cet amalgame du blanc à l’incolore est, en soit, assez révélateur. La page blanche, c’est une page où il n’y a rien à lire. Avoir un blanc, c’est ne plus être présent à ce qui se passe. Voter blanc, c’est choisir de ne rien choisir (et on parle alors de ne pas avoir de « coloration politique »). Le blanc et l’incolore sont les deux parties d’un couple qui ne s’est pas vraiment choisi, collés malgré
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eux ensemble parce qu’ils sont censés se ressembler.
Le malentendu se retrouve régulièrement dans l’atelier lorsque pour avoir de la lumière, j’en vois mettre du blanc sur la palette. Vous avez déjà été confronté à cette expérience décevante? : on veut du rouge clair, lumineux, rayonnant et on se retrouve avec un rose opaque et tenace. Le blanc du tube n’apporte aucunement de la lumière. Ça n’est pas son travail, pas sa partie, pas, du tout, sa spécialité. Oubliez le temps de me lire cette croyance qui dit que le blanc n’est pas une couleur. On y reviendra une autre fois. En attendant, force est de constater qu’il y a dans le « blanc », deux réalités : celle de la couleur, bien concrète, bien teintante, et celle de la lumière, pas plus blanche que le white spirit. Pour finir, je m’appelle Blandine. « large sourire » Une stagiaire, analyste lacaniène, m’a fait remarqué que ça pouvait signifier « Blanc dine : qui ne mange rien ». Quand moi j’entends depuis toujours « Blanc dine : qui se nourrit de blanc ». Mon nom de peintre d’ailleurs (qui n’a rien d’un pseudo) est Blan… vaste programme ! Alors, que trouve t-on dans une Boite de Blan? C’est toute la question. ;o)