L’art de l’émerveillement

Au cours d’une soirée-rencontre dans l’atelier, je me suis interrogée sur l’émerveillement. Cette émotion fugitive et fragile se trouve au cœur de ma pratique artistique. Elle me semble indispensable dans une société qui tend à confondre la lucidité avec le pessimisme. L’émerveillement comme une éthique de vie.

Être émerveillé

Photo de Frédérique
Photo de Frédérique

D’après le dictionnaire de l’Académie Française être émerveillé c’est éprouver une admiration mêlée de joie et d’étonnement. Admiration, joie, étonnement, 3 ingrédients pour une émotion bien plus difficile à définir qu’il n’y parait. Car si certaines personnes bénéficient d’une disposition naturelle à ressentir de l’émerveillement, pour la plupart d’entre nous il nécessite une disponibilité de l’esprit et, au début au moins de sa quête, un effort de concentration. Ce peut être un travail volontaire et acharné que de vouloir poser un regard particulier sur le monde, développer une aptitude à sortir de son « soi » étriqué pour s’ouvrir à l’instant et à la surprise.

Photo de Serge
Photo de Serge

Et pourtant, paradoxalement, si l’on travaille à s’émerveiller, l’émerveillement, lui, est immédiat, fulgurant, ancré dans l’instant.

Vouloir s’émerveiller relève donc, au delà d’une certaine disposition naturelle, d’un engagement personnel, conscient, décidé, pour faire de l’instant quelque chose d’important, de plaisant, de joyeux. Un véritable acte de résistance en ce début de XXIème siècle pour ouvrir son regard, traquer cet « admirable et joyeux inattendu » dans un monde qui ne croit plus qu’au désespoir.

Du geste de l’artiste au regard des autres

Photo de Aude
Photo de Aude

Une disposition à voir où l’artiste peintre trouve naturellement un champ d’investigation, pour peu qu’il se sente enclin à participer à cette urgence. Voir pour échapper soi-même à l’enténèbrement sociétal et partager cette vision avec tous ceux qui veulent voir, autrement qu’à travers une lucarne médiatique tronquée.

Photo de Mathilde
Photo de Mathilde

C’est ainsi qu’une soirée dédiée à l’émerveillement dans mon atelier s’est imposée à laquelle ont participé une quinzaine de personnes d’horizon très différents. Artistes, thérapeutes… mais aussi et surtout curieux sans connaissances artistiques particulières, venus amicalement sans bien savoir à quoi la soirée allait les mener.

J’ai peint en commentant mes gestes sur un vaste support, partageant avec le plus de simplicité et d’immédiateté mon Glacis et tous les petits accidents ravissants (marge accidentelle) dont il parsème la surface picturale.

Photo de Marie-Pierre
Photo de Marie-Pierre

Nous avons régulièrement fait des pauses pour inviter chacun à s’approcher, s’approprier un détail, le prendre en photo avec son téléphone portable. Et, lorsque la surface picturale a fini de réagir, nous avons, en dégustant un verre de vin et les petits plats apportés par chacun, projeté sur le mur de l’atelier, à côté du panneau original, ce que chacun y avait glané de jubilatoire. Pour découvrir et redécouvrir chaque parcelle, en se réjouissant de la diversité des regards, de leur complémentarité, de la richesse de ces dizaines d’angles de visions différents à propos d’une même réalité.

Grand moment de partage, de complicité, de joie. Nous nous sommes ensemble émerveillés… En lâchant-prise, en peignant des ailes ou en invitant quiconque à découvrir dans la couche picturale le visage qui s’y cache, l’émerveillement est ce qui court-circuite dans l’atelier et au delà l’uniformisation fallacieuse de notre monde.

Je ne peins que pour ça.

 

 

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