Il y a dans l’acte pictural une recherche qui relève sans doute d’un phantasme : celui de pouvoir visualiser ce que l’on ressent. Mettre une image sur l’indicible. Rendre réel ce dont on doute peut-être. Et le partager.
Un rêve auquel ont répondu de manières très variées les peintres durant toute l’histoire de l’art. Le Glacis, quant à lui y a répondu, dans son histoire, de deux façons différentes, presque antinomiques et cependant complémentaires. Il y a d’un côté « le Réalisme » (dont Courbet a formulé la devise en revendiquant ne désormais plus peindre que ce qu’il voyait). Mais il y a aussi, et pas forcément dans l’optique du Réalisme, le choix de ce médium pictural pour rendre visible le projet d’un peintre, et lui conférer ainsi une sorte de réalité.
Le Glacis et le Réalisme
Le Réalisme a très largement imprégné l’art du glacis. Les peintres décorateurs, inventeurs de cette technique, étaient des experts en trompe l’œil. Ils observaient et copiaient la Nature dans ce qu’elle leur semblait avoir de plus beau et le reproduisaient à l’aide d’un médium, difficile à maitriser mais bluffant. Il s’agissait donc de maitriser le mieux possible, humblement et besogneusement, ce médium, en y ajoutant une lecture compréhensive du monde pour aboutir à une réalisation aussi belle que la réalité.
Nulle place à l’imagination dans ce processus. Mais, en revanche, une humilité, une compréhension fine et quasi-philosophique, des productions de la nature. S’interroger, par exemple, sur la vitesse de croissance des différentes espèces d’arbres pour en comprendre la structure des bois de fil et des ronces. Aller dans les mines regarder comment un marbre se présente, s’est composé géologiquement, s’exploite, se débite, pour reproduire au mieux l’extraordinaire singularité de chacun d’eux dans l’atelier ou sur un chantier… Une façon de poser son regard sur le monde à la fois amoureux et sélectif. N’en garder que le meilleur.
Le Glacis et les émotions
A l’opposé, la façon dont je travaille avec le glacis dans l’atelier ne se veut aucunement un travail de reproduction de la Nature. Et pourtant, dans pratiquement tous les cas, les premières réalisations qui en découlent parlent toutes de la Nature. Comme si le Glacis portait en lui, sans qu’il soit nécessaire de le maitriser, tout ce que les peintres décorateurs se sont escrimés à imiter. Et bien plus encore…
Si vous décidez de peindre le reflet sur un chemin du ciel dans une flaque d’eau, il est fort probable qu’une analyse préalable, très minutieuse et très besogneuse vous soit nécessaire pour bien comprendre les rendus transparents et cependant distincts de l’eau et du ciel. Études, recherches, essais et applications seront de mise.
En travaillant sur ma marge accidentelle, en laissant le glacis répondre à mon geste pictural sans le contraindre à signifier une intention précise, ce rendu est souvent au rendez-vous. On n’en prend conscience qu’après séchage, en s’émerveillant de la poésie de ce que l’on découvre de soi que jamais nous n’aurions, sans des années de techniques, pensions-nous, pu obtenir.
Il s’agit donc de laisser le Glacis nous parler de ce que nous connaissons mais intellectualisons bien trop pour en maitriser vraiment la reproduction. La réalité du rendu, alors, dépasse de beaucoup, l’imagination. Comme un bébé sort parfaitement formé du ventre de sa mère sans pour autant que, durant la grossesse, elle ait du s’inquiéter de concevoir intellectuellement l’incroyable complexité d’un corps humain dans sa singularité.
Voilà : il ne s’agit, finalement, que d’accepter de démissionner ce qu’il faut de notre désir de tout maitriser pour que la réponse sonne juste.