On me parle souvent de mes cours. Pour savoir quand ils ont lieu, ce qu’il faut déjà savoir pour y assister…. Dans le regard de mon interlocuteur, je me vois transformée en maîtresse enseignant le Glacis à des élèves qui devraient l’apprendre pour pouvoir peindre. Sauf que… je ne suis pas une maitresse, que je ne donne pas de cours et que les personnes qui viennent me voir ont souvent depuis longtemps renoncé aux culottes courtes. Mais on ne se débarrasse pas si facilement d’un modèle éducatif tenace. Il est même si profondément inscrit dans notre schéma social qu’il faut parfois plusieurs rencontres avant qu’enfin il laisse la place à quelque chose de plus respectueux entre adultes.
En finir avec l’idée d’un cours
Qu’est-ce que serait un cours de Glacis? Un endroit où on arriverait vide d’un manque et où on pourrait le combler en remplissant ce qui ressemblerait à une case vide. On ferait, en s’appliquant, ce qu’on nous dirait de faire et ça rentrerait en nous à force de persévérance et d’application. On y absorberait ce qu’on peut et lorsque l’éponge-cerveau serait pleine, on se donnerait rendez-vous pour un autre cours. Dans un cours, on avance par degrés de difficulté. On commence avec ce qui est facile, et petit à petit ça devient de plus en plus difficile et complexe. Donc il faut s’appliquer pour réussir à passer au niveau au dessus. Alors que j’écris ces mots je sens mes cheveux se dresser sur ma tête et je m’entends soupirer… Ça voudrait dire que celui qui vient me voir ne sait rien et moi tout. Ce qui n’est JAMAIS le cas. Tout d’abord parce que celui qui arrive dans l’atelier est justement riche de son expérience. Il se crée une sorte d’alchimie entre le Glacis et lui où l’expérimentateur est directement impliqué dans ce que répond le glacis. Et cette réponse n’est pas une projection, une belle image qui témoignerait de son application mais rien de moins que… la vie qui le traverse et le façonne. Au delà du réussi, du bien fait, de
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l’identifiable, le Glacis parle de cette présence qui ne nous quitte jamais mais dont la plupart d’entre nous ignore tout : soi même. Ensuite, parce que je continue à découvrir le glacis chaque jour, j’ai compris depuis quelques temps maintenant que je n’en ferai jamais le tour. D’ailleurs le tour de la question n’est absolument pas le but de mon travail. J’ai déjà très humblement à faire ma connaissance, je ne peux apprendre à personne qui il est.
Transmettre donc.
Ce verbe implique l’idée d’un lien, d’un passage. L’idée que quelque chose est en mouvement qui passe par là et continue sa route. Transmettre c’est recevoir et faire passer, presque simultanément, d’une main à l’autre. C’est fluide, ça coule, ça passe… comme le glacis! Transmettre c’est, bien plus que la technique picturale en soi, le partage de sa philosophie. Ça dépend bien moins de celui qui parle que de celui qui écoute. Ça touche le cœur avant la tête. Et ça passe d’une main à l’autre, parce que c’est avec la main que l’on peint, pas la tête. Je parle bien sur (je suis assez bavarde, j’en ai peur). Mais pendant ce temps, silencieusement, le glacis répond. Il coule, s’auto-fragmente, se deltatise, part en mourant, ouvre ses ailes, fait des notes suspendus, des motifs secrets, se met en plaisir différé, superpose ses textures sans les trahir, revendique sa réversibilité, ne piège jamais le peintre ni la lumière, les aligne, les accompagne… Le glacis ne fait pas de différence entre un professionnel et un amateur. Il s’adresse à qui le reconnait, le relie, fait le passage. Finalement, tout est dit dans l’article de ce blog : 3 clefs. Le reste… c’est vivre! PS : Vous le constaterez comme moi, rares sont ceux qui se risquent à commenter un de mes articles. Pourtant ma boite mail déborde de vos réactions. Comment vous encourager à les partager? En vous assurant que je reste à votre écoute pour effacer ou modifier ce que vous écrirez autant que vous le voudrez? Mais peut être surtout en vous assurant que la toute petite communauté (une trentaine de personnes) qui lit ce blog est véritablement composée de personnes bienveillantes, curieuses et amicales autant que vous l’êtes. Imaginez-vous ça? Et que ceux qui découvrent, par hasard, ce blog en surfant sur internet ne peuvent qu’être ainsi lorsqu’ils lisent un article jusqu’à la fin (sans quoi ils décrocheraient dès les premières lignes, vous assurant ainsi qu’ils ne parviendront pas jusqu’à vos timides et pourtant précieux mots). Alors, n’hésitez pas : rebondissez, écrivez, partagez !!!
« Ça passe d’une main à l’autre » écris tu , « c’est fluide, ça coule »……..c’est exactement ce que j’ai vécu hier dans ton atelier Blandine, sans tellement trouver les mots pour l’exprimer…….un sentiment de partage, de transmission spontanée, quand nous avons peint au sol toutes les deux ensemble, comme 2 enfants qui jouent à construire, à créer, à se passer les pinceaux, à rebondir, à se demander ce que l’autre en pense, à oser se compléter, à s’émerveiller séparément et ensemble, à être pleinement dans l’instant….
Ces moments là sont tellement précieux….. Les choses se tansmettent, s’inscrivent , sans effort, sans le poids du mental. Cela m’évoque l’enfançe, les moments bénis passés à faire des chateaux de sable ou des gateaux……dans la simplicité, en prenant tout le temps qu’il faut, dans le respect de l’autre, dans l’inventivité…..
Pour moi qui ai du mal à oser et à doser, cet espace m’a permis de me sentir en sécurité dans cette proximité chaleureuse et légère et de m’enhardir sans excès.
Je me suis sentie reliée , nourrie par cette transmission fluide comme le glacis et je t’en remercie de tout coeur ma chère Blandine.
Bonjour Belle Blandine,
hop ! je fais le pas! je réponds sur ton blog !!! car j’avoue je fais partie de ces personnes qui te répondent généralement sur ton mail !
Effectivement, lorsque je viens chez toi en ton atelier, je peux t’affirmer que je ne me sens pas du tout en cours avec un prof. Tu es entière, dans le Don et dans la Transmission. Je ne me sens pas du tout « évaluée » ou en quête de résultats. Merci pour cette richesse!
Maintenant, me vient toujours à l’esprit lorsque je repars de chez toi : qu’est-ce que je peux apporter à Blandine ? qu’est-ce que je peux lui transmettre ? Car, je conçois difficilement une Transmission à sens unique. Tes heures dans ton atelier sont un lieu d’échange. Lors de notre dernière rencontre, tu as prononcé des mots, que tu retrouveras dans ma page « Qui suis-je ». C’était très amusant et « étrange » pour moi de te les entendre dire.Cela résonnait…La rencontre en elle-même est pleine de richesses, c’est en ce sens-là que je peux prétendre t’apporter quelque chose (???) … ( 🙂 sourire comme tu le fais si bien). Et il n’y a pas de hasard, les rencontres se font parce qu’elles doivent se faire.
Alors aujourd’hui, j’aimerais partager le plaisir de voir les oeuvres de Dale Chihuly, artiste américain, qui fait de superbes oeuvres en verre soufflé. Travail de la couleur, de la forme, de la lumière et de l’espace; il aime à représenter les formes et les mystères de la nature. C’est simplement superbe. S’il y a une expo en France ou en Europe, il faut y aller ! (je ne sais pas si Chihuly est déjà venu ici). C’est vraiment à voir, « à goûter » !
Bon, pour une première réponse sur ton blog, je n’ai pas été trop longue ???
A très bientôt Belle Blandine, à très bientôt blogueurs !
Delphine
Bonjour Delphine,
non, bien sur que non, tu n’as pas été trop longue en laissant un vrai chouette beau commentaire sur mon blog, avec des pistes de réflexions et des choses à découvrir. Formidable un pareil commentaire pour un blog en manque! Merci
Pour répondre à ton interrogation sur une transmission qui serait à sens unique, je vais dans ton sens en confirmant que la venue des uns et des autres dans l’atelier est toujours un échange et que j’en retire toujours autant que j’en donne. Mais au delà même, j’ai souvent constaté qu’il n’est pas forcément nécessaire de rendre à celui de qui on a reçu. L’important c’est que ça circule!
Je reviens d’une recherche internet sur Dale Chihuly. Wouahhhh, magique!!! Connais-tu Ponyo sur la falaise? C’est un film d’animation japonnais du très célèbre Hayao Miyazaki qui a fondé les studios Gibli. Je te parle de ce film parce que les premières minutes présente un monde sous-marin merveilleux qui fait échos, pour moi, à ce qu ej’ai vu du travail de Dale Chihuly. Merci pour ce partage jubilatoire.
Une très belle bise à toi
Bonjour Ragazzo,
je suis très touchée de ton commentaire et de celui de Delphine parce que je sais à quel point, pour toutes les deux, c’est un effort que d’oser partager vos mots.
Oui, nous avons passé un beau moment de grâce dans l’atelier vendredi dernier, à chatouiller le glacis en cours de polymérisation, à farfouiller, gratter dedans, tout en s’émerveillant de ses réactions toujours aussi surprenantes, n’est-ce pas?
J’aime autant que toi ces moments de partage. Quelle chance d’avoir un si beau médium-médiateur (le glacis) pour les vivre!
Très très chaleureusement à toi
Bonjour. D’ordinaire quand je lis la prose des collègues, ce qu’ils disent de leur peinture me semble souvent proche de l’épanchement où la volonté de s’exprimer finit par occulter sous des flots de lyrisme abscons le souci d’apporter quelque chose à l’autre. C’est l’une des raisons pour lesquelles je préfère fréquemment les comptes-rendus techniques descriptifs aux « textes de démarche» et autres soliloques qui constituent presque maintenant un genre littéraire à part entière, la rêverie verbeuse prenant les peintures pour prétexte.
Mais chez vous, rien de tout cela. Vous vous risquez à parler de peinture, ce qu’on devrait éviter le plus possible : comme le demandait justement Bacon, « Si on peut le dire, pourquoi le peindre ? » Et pourtant en vous lisant on ne s’emmerde pas. J’ai beaucoup apprécié ce que vous dites si clairement (vous écrivez bien, je trouve !) et j’y ai trouvé plein de choses propres à satisfaire l’esprit de quelqu’un dont le métier est de voir. Impossible ici de faire autre chose que simplement vous en remercier. Je reviendrai.
Merci, Thierry, de votre très pertinent commentaire. Vous mettez le doigt sur l’un des paradoxes de la transmission : mettre des mots là où le silence, seul, sonne juste.
Je tente de m’en défendre en faisant le distinguo entre le glacis et moi. Je m’autorise les mots car l’essentiel lui revient : ce qui se voit. Mais il est bien possible qu’il y ait encore une pirouette cachée dans cet aveu.
Qui sait si, dans quelques années, je ne transmettrai pas le glacis dans le silence?
Je suis, en attendant, flattée d’être lue par un brillant esprit critique. Au plaisir d’autres réactions de votre part,
Blandine