Des ailes et des racines

Un article sur le peintre Blan dont mes interlocuteurs quotidiens (entreprises, thérapeutes, peintres…) ignorent souvent le travail. Je vous propose un « arrêt sur image » sur ma production picturale personnelle.  Dont, bien sur, j’espère toujours qu’elle trouvera un écho chez un autre.

 

 

La pratique artistique serait-elle obsessionnelle?

Après plus d’un an à réinventer l’idée des ailes, une autre nécessité picturale a commencé à se ré-inviter au bout de mes pinceaux, subrepticement d’abord puis avec insistance : peindre des racines. Comme si les unes n’allaient pas sans les autres.

Le travail du peintre relève souvent d’obsessions. Sans qu’on sache très clairement pourquoi, certains thèmes, certains sujets, s’imposent et reviennent dans la pratique picturale. Je ne suis pas sure que l’idée que ce puisse être « beau » soit le moteur principal de ces récurrences.

Il me semble plutôt que ces sujets sont arrivés avec la pratique, insidieusement, pour ne plus la quitter. Il infléchissent la technique, la pousse à répondre à leurs nécessités, nous devance sur un chemin que nous ignorons longtemps avant de réaliser y marcher depuis un moment déjà.

Impossible de dater depuis quand est-ce que je peins des visages, des ailes, des branches, des racines, des pierres, des œufs, des nids, des ondes, un souffle… En ferai-je un jour le tour? J’en doute…

Mettre le cap vers ses tableaux

Avec le temps, on finit cependant par se trouver moins surpris de ces invitations impératives. On les revisite avec plaisir. On finit par trouver une certaines cohérence dans ce qui semblait, tout d’abord, n’en avoir aucune. On accepte de ne pas bien en comprendre les exigences (on en est même soulagé) pour mieux en ré-inventer l’expression. On finit par désigner cet ensemble plus ou moins hétéroclite et modulable de sujets sous le mot « cap ».

On entre dans l’atelier comme un marin prend la mer. On a un cap mais aucune idée des étapes qui le jalonneront, aucune certitude quant à ce à quoi il ressemblera, finalement, à l’arrivée.

Le cap peut changer en cours de voyage. Parfois même un cap peut en cacher un autre…

Ne plus dessiner

Ai-je trop peint d’ailes sans veiller à maintenir mes pieds au sol? Les racines, dont j’ai exhumé depuis les prémices de plusieurs années déjà, se sont imposées impérieusement depuis 3 mois. J’ai réalisé en répondant à cet appel qu’elles arrivaient « mures à point », pleines de ramifications, de radicelles, de mycorhizes…

Parce que je ne dessine plus depuis quelques années déjà – ça me semblait toujours trop « cérébral », trop « soigné », trop « besogneux »-  une autre approche plus confiante, plus spontanée, plus juste s’exprime à partir de la force de ce que je perçois et que j’engrange. Je pars en peinture avec ce souffle, cet élan et la recherche d’un geste aussi juste que possible pour le traduire. La suite en découle jusqu’à ce que le tableau s’achève.

A ma grande surprise, les racines trouvent pareillement preneur parmi mes visiteurs, occasionnels ou habitués. A l’instar des ailes, certains y trouvent ou retrouvent une mémoire, une histoire, un « semblable » qu’ils avaient oublié. Et je réalise que ne peins, n’accompagnent, n’envisage mon métier que pour ces rencontres qui dépassent l’entendement…