On commence toujours pour une mauvaise raison : parce que l’on veut faire un tableau. Comme un alchimiste voudrait changer le plomb en or.
Je n’écris pas ça pour vous décourager, parce qu’après tout, cette mauvaise raison va vous permettre de commencer. Tout est bon plutôt que de ne rien engager.
Mais est-ce véritablement la raison qui vous « met en peinture »?
Mettre de la couleur sur une toile.
Ce qui ne va pas avec cette idée de faire un tableau, c’est que c’est un peu comme de mettre la charrue avant les bœufs. De choisir le cadre avant d’ouvrir un tube. Où encore de se mettre en objectif de résultat, avant même d’avoir compris vraiment dans quoi on met les pieds.
Si on en reste à la définition matérielle de l’élaboration d’un tableau, mettre de la peinture sur une toile doit pouvoir être à la portée de n’importe qui. Pour peu que vous ne soyez pas trop maladroit, faire une nature morte ou un paysage peut sembler un accomplissement. Surtout si votre voisine veut vous l’acheter.
Mais voilà, ça n’est que la surface des choses. Le tableau n’est pas un objet, le tableau est un chemin. Un drôle de chemin qui ramène toujours à l’essentiel.
Revenir à l’essentiel
On part toujours trop vite. Sans prendre conscience que ce que l’on cherche n’est pas ailleurs mais déjà là. On part très loin, comme dans les contes, pour réaliser que ce que l’on était parti chercher au bout du monde se trouvait déjà dans l’atelier au commencement : le peintre et sa toile. Le peintre surtout et la toile qui est un miroir magique…
Vous voulez faire un tableau? Regarder attentivement un brin d’herbe. Sentez comme la lumière qui passe au travers vous éclaire aussi. Comme les nervures qui le structurent et le tiennent droit vous structurent et vous font tenir droit. Comme l’énorme énergie qu’il développe pour tendre vers le ciel est précisément celle qui vous anime. Toutes les nuances de vert qui le composent comme autant de nuances en vous…
Je souris en écrivant cet article parce que je n’ai pas dérogé à la règle. Petite, je voulais être peintre et faire les plus beaux tableaux du monde. Ce n’est que très progressivement et plus de quarante ans après que j’ai compris ce que je viens de vous écrire.
Le sujet importe peu, l’objet moins encore et sa beauté est relative. Ce qui compte, c’est le cheminement.
On commence véritablement à peindre quand le tableau n’est plus le but. Ou, pour ne pas vous décourager, lorsque le tableau n’est plus le seul but.
Votre avis m’intéresse sur cette question. N’hésitez pas à rebondir sur mes mots. Promis, ils resteront les vôtres, je les retirerai ou les modifierai à votre demande à n’importe quel moment. A votre clavier!!!